One hot minute: le point de non-retour

 

 

Album très injustement conspué, One hot minute est une parenthèse atypique et extrêmement intéressante dans la carrière des nos chauds pistachiers. Né après le départ d’un John Frusciante littéralement carbonisé par le succès de Blood sugar sex magic, il est totalement marqué par l’empreinte de son remplaçant, le stellaire Dave Navarro. Les délires funk potaches des débuts sont loin: il fallait bien que jeunesse se passe, et c’est tant mieux car si la fusion bouillonnante et slappée des débuts réserve quelques bons moments, le son daté et une certain vulgarité d’ensemble en sont les évidentes limites.
 

 
L’arrivée de Navarro, un des fils spirituels de Jimmy Page, fait imploser les schémas établis. Avec lui à bord, c’est un nouveau groupe qui naît: les red hot préparent leur Physical Graphiti, ni plus ni moins. Jamais le groupe n’a autant appliqué la leçon ombre/lumière du Zep: en témoigne cette rendition live périlleuse de « Warped », avec ses breaks foudroyant et sa dynamique nouvelle.

 

Les cocottes funky et dérouillées de Frusciante sont loin; les guitares de Navarro sont orchestrales, multicouches, assurent des riffs classic-rock copieux là ou Frusciante dégoupillait des plans tout en rythmiques décharnées. L’album est d’une variété folle: pop song radiogénique (« Aeroplane »), ballades réussies (« tearjerker »), douces reminiscences funky (« Walkabout »), brûlots fabuleux (« One big mob », « Trancending »), bizzareries pures red hot (« Pea »). Poussés dans leurs retranchements par cette association nouvelle et parfois difficile, les Red Hot transcendent leur extraction fusion et passent du statut d’orchestre funk dynamique et polisson à celui de machine de guerre Rock. Le résultat est un mille-feuille assez remarquable, imprévisible, accouché dans la douleur, qui rappelle par certains côtés les grands disques-odyssée du début des 70’s : excitation, sublime plaisir que de ne pas savoir à l’avance ce que l’artiste réserverait à son public…

Comme de bien entendu, ce disque différent fut (et reste) détesté par beaucoup des fans de l’époque qui n’y comprirent rien, et plus ou moins désavoué par le groupe. Il est par contre estimé des observateurs dégagés et lucides quant à la qualité intrinsèque des choses. Il faut effectivement avoir les oreilles bien encrassées pour ne pas se rendre compte de ce qui se passe sur cet album-comète d’envergure, assez fulgurant et superbement produit (merci Rick Rubin). La suite serait pure catastrophe, collections de morceaux pop FM parfaitement insipides et interchangeables auxquels les sus-dits fans ne trouveraient cette fois rien à redire: constater l’étendue des dégâts ci dessous avec le calamiteux « by the way »

 

Plus d’ambition, plus de gouaille, plus de mystère… plus rien. Alors bien sûr, on peut bien sûr trouver risibles ces nouvelles prétentions classic-rock et préférer à jamais la sympathique vacuité de la première période du groupe. Mais en vérité One hot Minute l’enterre complètement d’un point de vue musical: cet accident de parcours classieux, témoignage d’une mutation aussi titanesque qu’éphémère, donna quelques mois durant de la consistance à un groupe d’entertainers qui en manquait jusque là cruellement.

 

Comments
One Response to “One hot minute: le point de non-retour”
  1. almahjoub dit :

    D’accord sur toute la ligne.. Je ne comprends pas les « fans » qui font la fin bouche face à ce disque ambitieux et titanesque et donnent du « chef d’oeuvre » sans sourciller à un Californication par exemple.. Les Red Hot ont enchaîné deux disques majeurs avec deux guitaristes différents (Blood Sugar suivi de OHM), c’était là l sommet de leur carrière, le reste n’est qu’honnête pompage de fric à coup de tubes pour le rock listener moyen…

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